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2 juillet 2012 1 02 /07 /juillet /2012 22:53

Ta tombe un peu plus tardHier était l’anniversaire de ta mort -3 ans… et je fus secoué comme rarement dans l’Airbus qui me ramenait de chez Pandorryana vers Mélusine et notre maison. En rentrant je suis passé te visiter au soleil déclinant. Ta tombe était en ordre, bien fleurie avec le gazon qui reverdit après la coupe de la semaine passée… et toute cette eau qui n’a pas arrêté de tomber ; je vais régulièrement entretenir ta tombe, planter quelques futures fleurs, éliminer les végétaux morts et maintenir à un niveau raisonnable les herbes qui te font vert manteau.

Ce n’est jamais une corvée, jamais une torture et la peine ne m’étreint que très rarement ; non c’est plutôt la sérénité qui m’accompagne… parfois la pluie ou la nuit ou la neige et la nostalgie du temps ; d’un autre temps, d’avant…

Que suis-je devenu depuis 36 mois ? Comment vis-je lors ?

J’ai fait mon deuil comme on dit tout simplement.

Je ne tourne pas ou très peu en rond. Je ne pleure pas ou si peu ; parfois les larmes, une boule, une oppression viennent quand un son, une image ou la douceur présente ou le décor ou les objets témoignent que tu as été et se font l’écho nu et criant d’une image, d’un souvenir de toi et de notre passé heureux ou déjà empreint du filigrane de ta mort annoncée. Je vis sans tristesse pesante ou quotidienne, sans penser à toi tout le temps, sans obsession, sans infini ni indéfini, sans boucle ni cercle vicieux… Je me suis habitué à ton absence.

Je ne vais plus sur ces sites de deuil qui accueillirent un moment mes pensées et que je parcourus assidûment un temps pour partager ce chagrin qui me tenait et le diluer dans celui de centaines d’autres qui avaient perdu un proche dans des conditions plus ou moins dramatiques, soudaines, banales ou longtemps muries telles que les statistiques et la psychosociologie peuvent les décrire et les analyser et qui, alors, comme moi, KO, perdus un instant ou errant plus longuement, venaient confier à des oreilles expérimentées et chaleureuses leur désarroi, leurs interrogations, leur colère, leur quête pour gérer l’après...

Les témoins, les images de ton passé, tes traces ne me sont ni pesants ni torture. Je me garde néanmoins parfois consciemment et d’autres moins d’aller mettre mon nez dans quelque album ou autre boîte de Pandore comme je le fis auparavant pour éviter de réveiller trop crument des souvenirs polis qui, à l’occasion, pourraient retrouver un tranchant dont je sais qu’il serait à coup sûr coupant.

J’ai programmé pour une date indéfinie, l’édition d’albums de photos du temps passé pour modeler des négatifs et des diapos le livre de notre vie… Mais il faudra que je me réveille car le passage au numérique ne facilitera pas cette opération ! J’ai prévu aussi de revoir de fond en comble tout ce que tu laissas et qui était ton petit monde et que je n’ai pas touché… Ceci viendra sûrement sous l’impulsion des filles, un jour mais pas encore… Pas envie, pas le temps, pas prêt, pas maintenant.

Nos filles justement vont bien, je crois, même si elles aussi parfois laissent déborder, des sentiments retenus et enfouis qui à l’occasion d’un évènement, d’une rencontre, d’une actualité, d’une difficulté ou d’un heurt ressurgissent et se cristallisent en larmes ou stress ou paroles. Les filles ont fait de belles années scolaires, pleines d’effort et de maturité, acquise de ton vivant chez Océane, en épanouissement chez Mélusine.

Tes parents vont bien et avancent sans toi toujours dynamiques, mobiles et entreprenants et très attentifs aux filles ; je les ai régulièrement au téléphone. Pas trop souvent et rarement longuement car je ne suis pas un bavard comme tu sais. Les miens ne vieillissent pas très bien mais tu t’en serais douté…

Mes contacts avec tes proches collègues et amis sont moins fréquents mais restent chaleureux et bienveillants.

J’ai de la chance :
la chance, ô ni infinie ni scandaleuse ni insolente mais banale au contraire d’être là vivant et correctement portant ;
la grande chance de t’avoir aimée Christine, jeune, tôt, sans doute ni question, totalement, femme qui partagea mon amour pour en faire deux enfants sans retenue ni crainte ni réticence mais en don total et avec bonheur ;

la chance d’avoir un métier qui me plaît et occupe mes journées à 100 et 150%, parfois trop me dis-je et me dit-on vue l’heure où je rentre pour retrouver Mélusine juste pour le passage à table ; un métier qui me permet de vivre sans souci matériel et avec en permanence des défis à relever, des nouveautés à apprendre et à dompter, des lieux à découvrir, des mystères à éclairer ;

et puis, et surtout, et toujours, la chance rare et unique, et incommensurable, et sans doute aucun celle-là aussi, et insolente peut-être, la chance de cette rencontre incroyable, impensable un mois après ta mort, dont nous fêterons l’anniversaire avec Pandorryana et qui correspondra à notre centenaire… Les hasards de l’arithmétique, des calendriers et des amours anciennes de nos parents qui, une nuit ou un jour, nous commîmes !

Pandorryana, mon soleil, ma bouée, ma révolution, mon négatif dont l’amour m’a inondé et ébloui, qui a décollé ma pulpe et secoue chaque jour mes neurones et mes savoirs, comble mes désirs et chavire mes sens, dont la voix, le parfum, la peau et les regards sont ma vie désormais, dont l'être, les gestes et les pensées me sont focaux et magnétiques et substance d'avenir.

Je cours, je tangue, j’avance, je bondis, je pense, je m’immerge et je flotte dans des eaux inimaginées et inimaginables il y a trois ans.

Je me noie souvent et littéralement en elle et dans sa paix et dans son amour en un don total qui me laisse anéanti un instant sans pensée autre qu'un bonheur total qui se serait matérialisé tout en dématérialisant l'espace et le temps... Suis-je clair ?

Dans le plus simple appareil, en tenue de ville, de maçon, de jardinier, d'intello bobo ou de brousse, sur terre, dans les airs ou plus rarement l'eau, la route est tantôt droite, tantôt sinueuse sous le soleil et sous les nuages ; les kilomètres s’accumulent, le temps s’écoule du sablier dont les grains par milliers mais en nombre fini comblent les interstices entre nos vies, lient des pavés et tracent un futur à consolider.

Tout va bien ; la vie continue avec d’autres joies, d’autres peines, d’autres interrogations, d’autres difficultés à résoudre…

 

Pandorryana se rapproche intensément de moi et c'est un grand émoi et une nouvelle chance.

 

Lettre précédente :  14 Septembre

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commentaires

G
<br /> Quelques temps que je n ' étais pas passé , quelques temps que je n avais pas été ému en lisant ici... Une pensée pour Christine dont on effleure presque le souvenir même quand on ne l<br /> a pas connu , tant vos mots pour elles restent chargés de bienveillance, d authenticité et de précision.<br /> <br /> <br /> Je me rends compte que mercredi ce sera la date anniversaire du départ de Carole, je ne sais pas encore comment je vivrai cette journée, mais je ne l appréhende plus autant au avant , je<br /> crois que "jai fait mon deuil comme on dit tout simplement"...<br /> <br /> <br /> A bientot<br /> <br /> <br /> Gérard<br />
Répondre
E
<br /> <br /> Bonsoir Gérard<br /> <br /> <br /> Merci de ta visite et de ton témoignage toujours bienveillant.<br /> <br /> <br /> Je suis heureux que tu ressentes bien moins cruellement l'absence de Carole que par le passé.<br /> <br /> <br /> Que 'ton' anniversaire soit le plus doux possible et que la vie t'apporte ce que tu aimes et aussi l'heureux inattendu auquel nous aspirons tous plus ou moins consciemment.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Je viens du méme site, j'ai cliqué...et suis restée "scotchée" par l'écriture si puissante de tes billets.J'aime voir que la vie reprends ses droits après la mort d'une aimée...<br />
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E
<br /> <br /> Merci Lucianne de ta visite et de tes mots.<br /> <br /> <br /> La vie est un chemin étonnant et bien étrange à y réfléchir qui nous mène nous malmène nous entraîne dans l'ombre et à la lumière et que l'on parcourt heureusement avec amour.<br /> <br /> <br /> Chaleureuses pensées.<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Je viens aussi du même forum.<br /> <br /> <br /> Je ressens moi aussi les mêmes sentiments d'amour, mais je n'en suis pas aussi loin dans mon deuil plus récent. Tu as retrouvé l'amour, moi pas.<br /> <br /> <br /> Jolie façon d'écrire, d'éxprimer. Dérrière les mots, entre les lignes et sur celles-ci aussi, je lis l'amour perdu, mais gardé en toi, l'amour retrouvé, ta vie qui continue, et ça me donne pas<br /> mal d'espoir en la vie. Merci pour ça, merci à toi.<br /> <br /> <br /> Manu.<br /> <br /> <br />  <br />
Répondre
E
<br /> <br /> Manu merci de ta visite ; nous suivons en effet tous un chemin personnel mais si les malheurs sont multiples et communs les hasards heureux, les chances et les bonheurs n'arrivent pas non plus<br /> qu'aux autres.<br /> <br /> <br /> heureux que mes paroles puissent être positives.<br /> <br /> <br /> Bonne route<br /> <br /> <br /> Everes<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
B
<br /> Je viens du site vivresondeuil.xooit et j'ai cliqué sur ton lien.<br /> <br /> <br /> Trouver les mots justes pour qualifier ce que j'ai ressenti à la lecture de ton texte, je dirais : de ta poésie et pourquoi pas ... de ta philosophie, est un exercice auquel je ne me livrerai pas<br /> aujourd'hui. Trop difficile.Pour l'instant.<br /> <br /> <br /> Par contre j'emploierai un terme générique : cela m'a touché, vraiment.<br /> <br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> <br /> Bernard<br />
Répondre
E
<br /> <br /> Bernard<br /> <br /> <br /> Merci de ta visite et des tes mots ;<br /> <br /> <br /> 'toucher' et 'juste' vont l'amble et sont l'essence même des mots qui font la plupart des billets postés ici.<br /> <br /> <br /> Ecrire est pour moi un exercice cathartique certain ;<br /> <br /> <br /> la toile permet le témoignage et une forme de partage qui étend la première action et la rend moins égoïste.<br /> <br /> <br /> Pour le reste la vie et l'esprit humain sont des forces sans pareil qui permettent tout.<br /> <br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> <br /> Everes<br /> <br /> <br /> <br />

Présentation

  • : Les Lettres d'Everes
  • : Un flux de mots forts : 15 ans de cancer ; la mort à 45 ans ; Christine m'a appris l'amour, l'humanité et la volonté de vivre ; écrire m'a permis de garder un équilibre funambule ; nouvelle vie sans balancier ni clé ni calendrier : j'espère ; Pandorryana, une lumière, aussi vive qu'inattendue a surgi ; ma vie est révisée de fond en comble ; trois ans ont passé ; j'aime toujours la vie.
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